Comment les outils numériques au travail ont un pouvoir d’agir sur vos collaborateurs ?

Quand on parle de révolution numérique, on aborde rarement la question de ce qui se cache derrière la conception des plateformes et des applications. Nous les utilisons parfois trop souvent comme les messageries électroniques, or rare est de s’interroger sur les raisons de notre sur-utilisation de ces outils : pourquoi sommes-nous autant « accros » ?

Dans cet article, l’agence Grain’s, spécialisée dans les organisations apprenantes, souhaite porter un nouveau regard sur ces outils numériques tant désirés.

De plus en plus, le salarié évolue dans un espace de travail dématérialisé et interconnecté

Le salarié évolue de plus en plus dans un environnement connecté. Son employeur met à sa disposition une palette d’outils numériques, dans un objectif d’améliorer la circulation d’information et la collaboration entre les membres de son organisation. Ce nouvel espace de travail dématérialisé est qualifié de « HUB ». Il est composé généralement d’outils de visioconférence, de plateformes de formation en ligne, d’e-communautés, de messageries instantanées et d’espaces collaboratifs comme l’outil Microsoft Teams.

En regardant de plus près, un hub permet surtout à un salarié de se connecter, n’importe ou en tout temps et en toute circonstance, à un ensemble d’outils numériques à partir d’une seule application. Des solutions comme Teams, permettent de se connecter à sa messagerie jour et nuit, de se réunir à distance à toute heure, une gestion documentaire accessible de partout, un agenda qui envoie des alertes, etc. Plus vous ajoutez d’applications au Hub, plus vous l’utilisez…C’est ce que recherche le fabriquant de cette application en premier lieu.

Paradoxalement, ces nouveaux espaces de travail dits collaboratifs sont configurés pour inviter les salariés à passer de plus en plus de temps connectés à l’outil…et non aux autres.  

Toute solution digitale est conçue pour être utilisée sur un temps de travail et de cerveau disponible

Vous vous souvenez certainement de la célèbre phrase de Patrice LELAY, Patron du Groupe TF1 expliquant en 2004 que la télévision vendait un temps d’attention aux annonceurs. Après les années 2000, les concepteurs de solutions digitales ont dû revisiter leurs modèles économiques ( passer du 100% gratuit à « c’est vous le produit »). Pour cela certaines plateformes connues comme Facebook sont devenues des régies publicitaires. Leurs nouveaux objectifs sont de vendre aux annonceurs du temps pour leur permettre d’afficher leurs produits ou services sur des posts publicitaires. Pour les designers et les développeurs de ces plateformes, leur mission est de créer des fonctionnalités pour pousser les utilisateurs à se connecter et à se reconnecter.En clair, le modèle est simple :plus les utilisateurs cliquent sur les annonces, plus la plateforme facture la publicité aux annonceurs.  

Comment font-ils ?

Et bien ils s’appuient sur ce que nous sommes et sur le fonctionnement de notre cerveau. Depuis quelques années, une nouvelle science appelée Captologie s’est développée dans la Silicon Valley. L’usage de la captologie consiste à utiliser les enseignements des sciences cognitives dans la conception de solutions digitales. Des fonctionnalités comme le « scroll infini » (fil d’actualité qui se recharge à l’infini) sur les réseaux sociaux, les points de suspension sur les messageries instantanées et les notifications push sont issus des enseignements de la captologie. Pour cette discipline scientifique, les sujets de recherche sont d’étudier comment capter l’attention de l’utilisateur pour le maintenir connecté

Les nudges sont fréquemment utilisés pour influencer les salariés dans leurs comportements numériques.

Les Nudges, coups de coudes en français, sont des suggestions indirectes qui influencent les individus dans leurs comportements. Les nudges sont trés largement utilisés comme par exemple pour arrêter de fumer (utilisation du verbe « tuer » sur les paquets de cigarettes) ou pour conditionner des visiteurs de sites web à une action donnée (exemple des boutons en rouge « accepter » pour les cookies d’un site web). Les nudges s’appuient sur les sciences cognitives et comportementales. Elles prennent de multiples formes sur les plateformes numériques et sont utilisées pour amener les utilisateurs dans un but défini. Par exemple, UBER utilise la technique du Binge driving pour retarder la déconnexion du chauffeur de l’application. A la manière de Netflix, l’application est programmée pour afficher des notifications d’une course suivante, quelques instants seulement avant qu’il termine celle qui est en cours. D’autres fonctionnalités de l’application ont été créées à partir d’un biais comportemental celui de l’aversion à la perte. Par exemple, l’application Uber envoie des notifications push au chauffeur, pour lui indiquer ce qu’il perd lorsqu’il ne travaille pas. 

Pour les concepteurs de solutions digitales, la transformation d’un nudge en fonctionnalité d’une application numérique conduit à conditionner l’individu devenu utilisateur, à agir sans qu’il en ait conscience…Finalement, la fonctionnalité agit comme un programme informatique, pour nous dire ce que nous devons faire.    

Pour illustrer ce propos, nous savons par exemple qu’un Français consulte en moyenne 2 716 fois par jour son téléphone (près de deux fois par minute). Cette donnée soulève donc une problématique de la capacité à agir en toute conscience. Pour un salarié, ce mécanisme soulève la question de sa capacité à se concentrer dès lors que le téléphone est allumé. C’est pourquoi, dans certains cas, il peut être utile d’éteindre son téléphone ou de travailler en mode avion. Autre statistique un peu effrayante donnée par le cabinet de conseil Deloitte qui mentionne dans un rapport « 41 % se tournent vers leur mobile au beau milieu de la nuit ». Le taux de réaction, c’est le nombre de fois que nous réagissons aux notifications Push (alertes reçues sur le téléphone) est de 41% à 23h00…ce qui soulève aussi des questions sur les autres causes de fatigue professionnelle…

Malgré quelques options cachées, ces outils numériques invitent l’individu à ne pas se déconnecter…

« La déconnexion c’est comme le régime, c’est une question de volonté ». Dans un sens, cette boutade reflète une certaine vérité sur la dépendance que nous pouvons avoir vis-à-vis de ces outils numériques. Pourtant, tous ces outils disposent de fonctionnalités comme le mode « Avion » pour nous inviter à nous déconnecter de notre smartphone ou de l’ordinateur.

Nous disposons donc de plusieurs solutions :

–         Soit activer le mode avion pour le smartphone, fonctionnalité trés souvent méconnue des utilisateurs

–         Soit désactiver les notifications

–         Soit éteindre son appareil.

Lors des ateliers que l’agence Grain’s anime sur les fondamentaux du web, nous abordons ce thème de la déconnexion. Les réactions peuvent être assez vives surtout lorsque nous abordons l’ option du mode « Avion ». Les contre-arguments sont régulièrement « si jamais, j’ai un appel de mes proches » ou « en cas d’urgence, je dois rester joignable ».

Le mode avion est un biais d’ancrage. Le nom de cette fonctionnalité « Mode avion » vous invite à contextualiser son usage à une situation particulière et non à un usage quotidien. Le «mode avion » crée un dilemme et soulève la question de votre propre responsabilité et de votre accessibilité. 

Etrangement, lorsqu’un individu met son téléphone pour ne pas être joignable, ce comportement suscite une inquiétude de la part de son entourage (pourquoi ne répond-il pas à mes sms).

Une situation personnelle de déconnexion est souvent associée à des excuses et à la culpabilité … « désolé, je n’avais plus de batterie ou j ‘étais dans une zone où je ne captais pas. « 

Notre recommandation

Pour l’agence Grain’s, avancer dans la transition numérique et utiliser des solutions digitales au quotidien constituent des sujets importants pour les organisations.

Seulement ces utilisations doivent être associées à des recommandations d’usages en lien avec notre conscience d’agir. A l’heure du Covid, ce travail peut paraître difficile compte tenu des directives transmises pour aller de plus en plus sur des modalités de télétravail. Néanmoins, pour le bien-être numérique des salariés, il est aussi important de redéfinir leur capacité d’agir… Alors commençons par ce que nous sommes en mesure de faire… de reprendre le contrôle de nous-mêmes. Qu’en pensez vous ?

L’agence Grain’s intervient en coaching numérique depuis de nombreuses années auprès de publics soit novices du numérique, soit auprès de salariés utilisateurs d’outils numériques.